Sédentarité
Dans les sociétés occidentales contemporaines, la sédentarité a tendance à se renforcer, bien que les personnes se déplacent en moyenne plus vite et plus loin dans leur vie quotidienne, car les potentiels de vitesse procurés par les systèmes de transport et de communication à distance sont souvent utilisés pour éviter de déménager et, ainsi, maintenir ses ancrages sociaux et spatiaux.
Il en résulte que les sociétés occidentales contemporaines sont aux prises avec un paradoxe inédit : on s’y déplace plus tout en étant plus sédentaires. Cela nécessite donc de redéfinir la sédentarité, qui ne peut plus être simplement considérée comme l’absence de déplacement.
L’effet de l’utilisation des moyens de communication et de transports motorisés conduit à une réversibilisation de la mobilité (voir mobilités réversibles). L’attitude dominante des acteurs est de se saisir très largement de cette possibilité. Les moyens de transport et de communication sont ainsi souvent utilisés pour annuler au maximum les effets des déplacements sur la vie sociale (Kaufmann, 2011).
Une substitution des formes de déplacement les plus irréversibles (migration, déménagement) vers des formes plus réversibles (mobilité quotidienne, voyage) est observée (Schneider et al., 2010). C’est par exemple le cas de l’usage des potentiels de vitesse procurés par les transports rapides pour vivre loin de son lieu de travail et éviter de déménager. Cette substitution traduit une transformation des temporalités spatio-temporelles du long terme vers le court terme. Surtout, elle correspond à une modification de l’impact des déplacements sur les relations sociales. En voyageant plutôt qu’en migrant, en pendulant plutôt qu’en déménageant, les réseaux et ancrages sociaux peuvent être plus facilement maintenus (Hofmeister, 2005).
Plusieurs enquêtes indiquent que la force des ancrages sociaux et spatiaux dans un contexte donné s’accompagne de pratiques d’“hyperdéplacements” quotidiens (Schneider et al., 2002 ; Meissonnier 2001). Le réseau social ne s’enrichit que très marginalement au fil des expériences de déplacement et il reste très localisé dans la ville du domicile.
Les pendulaires de longue distance apparaissent en particulier comme des sédentaires résidentiels, des personnes aux attaches sociales et/ou spatiales fortement localisées et qui ne souhaitent pas s’arracher de cette fixité. Les pendulaires de longue distance acceptent un travail pour autant qu’il soit possible de ne pas déménager. Les potentiels de vitesse procurés par les systèmes de transport leur permettent donc d’assurer leur sédentarité (Kaufmann, 2008).
Bibliographie
Hofmeister H. (2005). “Geographic mobility of couples in the United States: Relocation and commuting trends”, Zeitschrift für Familienforschung, Heft 2/2005, pp.115-128
Kaufmann, V. (2008), Les paradoxes de la mobilité, Bouger, s’enraciner, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes
Kaufmann, V. (2011), Re-thinking the city, Routledge and EPFL-Press, London and Lausanne
Meissonnier J. (2001), Provinciliens : les voyageurs du quotidien, éditions de l’harmattan, Paris
Schneider, N. F., Limmer, R., & Ruckdeschel, K. (2002), Mobil, flexible, gebunden – Familie und Beruf in der mobilen Gesellschaft, Campus: Frankfurt am Main
Schneider N. et al. (2010) (eds.). Mobile Living across Europe II – Causes and determinants of Job mobility and their individual and societal consequences, Barbara Budrich Publishers, Opladen