Juillet 2015
La recherche sur les « budgets carbone » conduit à penser que l’objectif d’éviter un « changement climatique dangereux » pourrait exiger une réduction ambitieuse de la demande de certains modes de voyage. Cela devrait-il constituer une priorité à l’ordre du jour de mobilités ?
Deux degrés de plus : tel est le seuil politiquement admis censé représenter le passage à un changement climatique dangereux. La plupart des pays du monde ont signé des accords pour stabiliser la hausse de la température mondiale en dessous de cette limite, mais vingt-cinq ans après le premier Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les émissions de carbone continuent de croître à un rythme alarmant. L’Agence internationale de l’énergie a observé que les tendances actuelles conduisent directement à une hausse de 3,5° C d’ici 2040 et de 6° C vers la fin du siècle.
Malgré les avertissements sur les conséquences catastrophiques de ces projections, les documents de politique générale rayonnent d’optimisme quant à la possibilité d’atteindre l’objectif de deux degrés, qui repose en grande partie sur des engagements à réduire les émissions jusqu’au milieu du xxi e siècle et après. Cependant, la croyance qu’il existe encore nombre de possibilités pour lutter contre le changement climatique, que nous avons les moyens technologies adéquats pour le faire et que cela est compatible avec des niveaux élevés de croissance économique est remise en question par une analyse récente montrant que ce qui importe, ce ne sont pas tant les niveaux d’efficacité technologique et de réduction des émissions dans un avenir plus ou moins lointain que celui des émissions cumulées de carbone qui pourraient amener à un seuil critique dans le système climatique. D’après les recherches de Kevin Anderson et d’Alice Bows du Tyndall Centre for Climate Change, cela signifie que nous disposons d’un « budget carbone » limité avant que le climat n’entre irréversiblement dans une nouvelle dynamique. La recherche sur les budgets carbone est en train de conduire à repenser le réchauffement climatique comme un problème à court terme pour lequel les mesures prises dans les dix à vingt prochaines années pourraient être décisives.
Selon ce nouveau point de vue sur les changements climatiques, il est certes toujours nécessaire de mettre en œuvre de nouveaux systèmes sociaux et techniques à faible émissions de carbone qui diminuent la consommation en énergie d’activités quotidiennes comme aller au travail, faire la cuisine ou chauffer son logement. Cette transformation du côté de « l’offre » des systèmes pourrait cependant prendre plusieurs décennies et ne saurait remplacer une réduction plus immédiate de la demande d’énergie dans les pays riches du Nord d’environ 10% par an.
Quel pourrait être l’apport des chercheurs en mobilités à ce débat ?
Quelles politiques seraient nécessaires dans le monde entier pour parvenir à une réduction radicale des émissions de carbone ?
Le personnage du voyageur produisant peu de carbone pourrait-il avoir suffisamment d’attrait pour devenir le voyageur dominant dans les deux prochaines décennies ?
Si tel n’était pas le cas, une législation stricte sur des systèmes de quotas individuels de carbone pour le gaz carbonique serait-elle le seul choix réaliste pour parvenir à une réduction radicale ?
Une volonté politique fortement affirmée de réduire la demande de voyages signifierait-elle un suicide politique ?
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