Put in this way, the answer seems fairly obvious. And yet, it is an important debate that continues – even today. Indeed, in local political milieus it is still common to hear talk of the need to build highways to improve access to regions, thus allowing for their development. From where does this stance originate?
Put in this way, the answer seems fairly obvious. And yet, it is an important debate that continues – even today. Indeed, in local political milieus it is still common to hear talk of the need to build highways to improve access to regions, thus allowing for their development.
From where does this stance originate? There is a kind of link between economic development and increased transport flows (goods and people) that is recognized at the global level, and whose existence has not, as yet, been disproven at the local level. Hence, it is logical to say that transport infrastructure facilitates flows between territories as well as generating new ones, and thus contributes to development. However, the literature provides no conclusive evidence of this link. What evidence we do have, on the other hand, proves that this link is not inherent, and can sometimes even have negative consequences.
The debate intensifies when we add to it the highly political issue of limiting transportation flows (especially on roads) in the battle against environmental damage. Unfortunately, given that the latter goes hand in hand with the economic crisis, the impact on local development raises questions. The tenants of the New Economic Geography contend that building transport infrastructure promotes the development of network - or agglomeration - externalities (indirect economic gains by economic actors because of the proximity of other actors and various services aimed at them), and therefore supports competitiveness and innovation. We also find many defenders of transport infrastructure among economists and chambers of commerce and industry that have studied the costs of traffic congestion. On the other hand, the approaches inspired by the work of F. Plassard1 defend the idea that transport is only one part of the economic system, and that changing the transportation supply does not necessarily determine a locality’s economic future.
Emmanuel Ravalet
Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
Lorsqu’en 1993, L’espace géographique publie mon article sur « les effets structurants du transport : mythe politique, mystification scientifique »1, l’heure est encore à la croyance partagée dans les bienfaits de toute augmentation de l’offre de transport. Un mélange de néo-keynésianisme bienveillant (« quand le BTP va, tout va »), d’euphorie technologique (toujours plus vite) et d’européanité bon teint (les vertus du grand marché) confère aux infrastructures routières ou ferroviaires des propriétés quasi magiques de levier économique.
Vingt ans plus tard, les esprits ont un peu évolué. On concède qu’il n’y a pas d’effet mécanique, plutôt des potentialités à exploiter ; donc des stratégies à construire. La dure réalité s’est imposée. Les immeubles de bureaux n’ont pas forcément poussé près des gares TGV, ni les zones d’activités autour des échangeurs autoroutiers. Mais le lexique n’a pas changé. On continue à rechercher des « effets » socio-économiques à la manière des études d’ « impact » environnementales évaluant les conséquences de l’activité humaine sur les écosystèmes. En version subliminale, la relation de cause à effet persiste et signe.
Surtout, un voile pudique reste jeté sur les situations où des infrastructures nouvelles jouent un rôle négatif dans les mutations territoriales. Le secret aurait pourtant dû être éventé depuis longtemps. Mais les mythes ont la vie dure. Que vaut une argumentation statistique sur le rôle effectif de l’arrivée du chemin de fer en France au 19ème siècle contre les édifiantes histoires de villes au destin broyé par le refus aveugle d’une gare en centre-ville ? Les géographes ont pourtant démontré que l’arrivée du chemin de fer avait amplifié et accéléré les tendances démographiques et économiques préexistantes : plus de croissance pour les villes dynamiques, mais aussi plus de récession pour les cités endormies. Les trains, comme les voitures, roulent dans les deux sens !
La démonstration théorique est pourtant simple et robuste. Une nouvelle offre de transport dilate les aires de marché. Avec un métro, plus rapide que le bus, je peux changer de crèmerie ; troquer une chambre de cité U sur le campus contre une « coloc » en centre-ville. Avec le TGV, je trouverai un nouveau consultant, lyonnais pour mon entreprise, parisienne (il fera l’aller-retour dans la journée). Avec l’autoroute, j’irai faire mes courses à l’hypermarché, dans la vallée, au détriment du boucher de mon village de montagne. L’enclavement protège de la concurrence. Si l’accessibilité s’améliore, la concurrence s’accroît. Ceux qui vendent des produits plus originaux, ou de meilleure qualité, ou moins chers, gagnent de nouveaux marchés. Les moins dynamiques y perdent, à la mesure du départ de leurs clients pour des horizons plus lointains.
Les infrastructures de transport ne font donc pas le développement économique local. A chaque territoire revient la tâche d’anticiper, en détectant les secteurs (immobilier, tourisme, commerce, services, université, industrie…) susceptibles de profiter ou de souffrir de l’extension de leurs zones de chalandise et de celles de leurs nouveaux « voisins ».
Mais les infrastructures favorisent-elles l’économie globale ? C’est une autre affaire, qui ne préoccupe légitimement ni l’urbaniste ni l’élu local. Que deviennent ces raisonnements face à l’ « impératif » écologique de réduction de la consommation des ressources rares (énergies fossiles, espace) et des émissions de gaz à effet de serre ? Ce dernier suggère deux orientations, complémentaires :
Sur la mobilité « durable », on sait tout ou presque. Les mesures visant à donner une priorité aux transports (marchandises et voyageurs) concernant l’activité économique – depuis les trajets domicile-travail jusqu’aux livraisons en passant par les déplacements professionnels – sont plus osées. Elles impliquent une « maîtrise » des flux.
Sur les manières de « décarboner » les systèmes productifs (proximités et circuits courts), les pistes d’action restent à stabiliser. L’éclatement géographique des dispositifs de production reste globalement performant. Les spectaculaires 9000 kilomètres parcourus par le fameux pot de yaourt à la fraise masquent les économies d’échelle liées à la division du travail et les gains de productivité du transport liés à la massification des flux.
Les circuits courts n’en ont pas moins leur champ de validité économique, et d’autres atouts à présenter. Le « juste-à-temps » perdra en partie sa justification en proportion de la hausse à venir des coûts de transport. Et l’idée que la proximité spatiale constitue un bon outil de fabrication de la proximité organisationnelle gagne du terrain, à l’ère de la quête d’articulations entre enseignement supérieur, recherche, industrie, grands groupes et PME.
La transition écologique ne change finalement pas grand-chose à la donne. Collectivement légitime, l’amélioration des conditions de transport se heurte aux conditions locales de sa mise en œuvre. En France, riverains ou expropriés ont longtemps dû oublier leurs mesquins intérêts privés pour accepter sans broncher le « bonheur public » de la construction d’une infrastructure nouvelle. L’ « intérêt général » ne suffisant désormais plus à les convaincre du bien-fondé de ces servitudes de passage, il a bien fallu inventer un intérêt (de développement) local, apte à rééquilibrer la balance des avantages et des inconvénients. Il faut simplement rappeler que cet intérêt local ne fait pas forcément pencher le fléau du côté des « plus» et qu’il peut alors être juste d’effectuer des investissements de compensation.
Les infrastructures de transport font-elles le développement économique ? A la question ainsi posée, la réponse est : non. « Font-elles » est une expression forte suggérant un déterminisme sans faille et sans nuances. Un tel déterminisme n’existe pas. Chacun connaît des infrastructures qui n’ont engendré aucun développement. Un exemple classique est celui de Montchanin, une petite ville française idéalement située sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, qui n’a pratiquement connu aucun développement au cours de trente dernières années. Autre exemple : en Europe les pays qui ont le plus investi dans les transports pendant les années 2000-2004 relativement à leur PIB en 2002 sont dans l’ordre le Portugal, la Grèce, l’Espagne, et l’Italie - les pays qui connaissent aujourd’hui les pires difficultés. Il est clair que les infrastructures de transport ne garantissent nullement le développement économique. Au-delà de ce constat de non-automaticité, la question de savoir si, quand, comment, et à quelles conditions, ces infrastructures peuvent contribuer au développement.
Un lien théorique entre infrastructures et développement a été établi il y a deux siècles et demi par Adam Smith. Les infrastructures de transport favorisent le transport (de personnes et de marchandises), qui facilite à son tour les échanges, qui contribuent au développement :
Infra –> Transport –> Echanges –> Développement
Chacune des trois relations est vraie, mais incomplète. Les explications monocausales sont la plaie de l’analyse économique et sociale. Bien sûr que le transport est facilité par les infrastructures. Sans infrastructures, pas de transport. Mais le transport est également affecté par la technologie, par la réglementation, par les prix, par l’information, etc. Et chacun de ces facteurs du transport, y compris l’infrastructure, connait des rendements décroissants. Imaginez une route de deux fois deux voies qui n’est jamais embouteillée. La porter à deux fois trois voies, c’est-à-dire améliorer l’infrastructure, ne va en rien favoriser le transport.
On peut dire des choses comparables pour chacune des deux autres relations. Sans transports, pas d’échanges. Mais les échanges dépendent aussi et parfois surtout de bien d’autres facteurs : les capacités de production des différents espaces, les coûts de production, les obstacles tarifaires ou réglementaires, les spécificités de la demande, l’information, etc. De la même façon, sans échanges, peu ou pas de développement. Mais les échanges ne sont évidemment pas le seul - ni même le principal - facteur du développement, qui dépend aussi de l’éducation, du capital, des institutions, des incitations, etc.
Cette analyse débouche sur trois conclusions générales : (i) la présence d’infrastructures de transport minimales est une condition nécessaire au développement ; (ii) au delà d’un certain seuil, l’utilité marginale des infrastructures décline et tend vers zéro ; (iii) les infrastructures de transport ne sont jamais une condition suffisante au développement économique.
L’introduction à la controverse soulève un deuxième thème, distinct du thème des infrastructures : celui des conséquences de la limitation des flux de transport. Cette limitation peut être obtenue de différentes façons : par l’augmentation des impôts spécifiques sur le transport, par l’augmentation des réglementations, et par une augmentation de la congestion causée par une diminution (ou une non-augmentation) du stock infrastructurel. La limitation des flux, c’est-à-dire des échanges, a un impact négatif sur le développement. Cet impact négatif peut ici ou là se trouver contre-balancé par le rôle positif de certains autres facteurs du développement. Mais il est toujours présent. Limiter les flux peut avoir des avantages environnementaux, mais toutes choses égales par ailleurs, il a nécessairement un coût économique et social.
La réponse à la question des dernières lignes de l’introduction à la controverse (« Peut-on limiter les flux de transports (et les pollutions qui y sont associées) sans grever plus encore la santé économique des territoires concernés ? ») est donc malheureusement : non, au moins en ce qui concerne les flux de transport. On observera que ce dommage dépend du mode de limitation utilisé. D’une façon générale, le dommage est maximal avec les réglementations administratives, élevé avec la congestion, et minimal avec les taxes.
La réponse est plus nuancée en ce qui concerne les « pollutions associées ». La formulation de la question suppose en effet un lien fixe entre flux de transport et pollutions - un lien qui n‘existe pas en réalité. Le rapport quantité de CO2 ou de NOx par tonnekm ou par passagerkm n’est pas donné une fois pour toute. Il peut se réduire, et, de fait, il se réduit sous nos yeux, dans des proportions considérables. Pour diminuer la pollution des transports, diminuer les flux de transport n’est pas la seule - ni la plus efficace - façon de procéder.
Notre dernier point est sans doute le plus important : dans le domaine analysé, il faut se méfier des généralités comme de la peste. Il est ridicule d’être « pour » (ou « contre ») les infrastructures, ou les tramways, ou les canaux, ou les péages, ou les lignes à grande vitesse. Ce qui est vrai dans un pays ne l’est pas dans un autre. Ce qui est vrai à une époque ne l’est pas à une autre. Ce qui est vrai pour cette infrastructure-ci ne l’est pas pour cette infrastructure-là. Les idées générales toutes faites ne peuvent pas remplacer les études de cas intelligentes. Il faut laisser les a priori au vestiaire, et engager, pour chaque projet concret d’infrastructure de transport, hic et nunc, l’analyse détaillée qui éclairera la décision de faire ou de ne pas faire. Si Aristote a raison de dire qu’« il n’y a de science que du général, et d’existence que du particulier », alors l’analyse des infrastructures ressort plus à l’existence qu’à la science.
To cite this publication :
Rémy Prud’Homme et Jean-Marc Offner (27 February 2014), « Is transport infrastructure responsible for economic development? », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 22 November 2024, URL: https://forumviesmobiles.org./en/arguings/2198/transport-infrastructure-responsible-economic-development
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