Dix ans après sa mise en place, le système de vélos en libre-service francilien Vélib’ a connu un tournant majeur : l’exploitant initial JC Decaux a laissé, en janvier 2018, sa place à la start-up montpelliéraine Smoove. Le Forum Vies Mobiles a souhaité procéder à un premier bilan : 10 ans plus tard, quels sont les impacts de Vélib’ sur la mobilité et les modes de vie des Franciliens ? Dans quelle mesure Vélib’ peut-il être considéré comme une politique de mobilité durable efficace ?
Le système de vélos en libre-service francilien Vélib’ intéresse le Forum Vies Mobile en tant que politique emblématique du regain d’intérêt porté au vélo par les politiques publiques depuis les années 1990, après plusieurs décennies de déclin de son usage. Mis en place le 15 juillet 2007 à Paris, puis dans des communes limitrophes à partir de 2009, Vélib’ est censé participer d’une transition vers un système de mobilité plus durable.
Pour tester cette hypothèse, le Forum Vies Mobiles a confié une recherche à deux groupes d’étudiants de l’Ecole d’Urbanisme de Paris, dans le cadre d’ateliers professionnels.
Le premier axe de la recherche a consisté en l’évaluation du dispositif Vélib’ en tant que politique publique de mobilité durable.
Vélib’ est présenté comme une politique de mobilité durable par la Mairie de Paris, annonçant le retour de la bicyclette à Paris au détriment de la voiture. La littérature existante sur les services de vélos en libre-service amène à interroger leur réel impact environnemental. A l’échelle nationale, les utilisateurs de ces services sont pour l’essentiel des habitués de la marche et des transports collectifs ; rares sont ceux qui abandonnent leur voiture. Si ce constat se vérifiait dans le cas de Vélib’, cela questionnerait son intérêt en tant que politique de mobilité durable. Mais peut-être Vélib’ répond-il aussi à d’autres objectifs (marketing urbain par exemple) ?
L’enquête a été menée par les étudiants de Master 1 Urbanisme et Aménagement. Au travers d’une analyse documentaire et d’entretiens avec des experts - et notamment des acteurs de la mise en place de Vélib’ -, il s’agit de comprendre la genèse et les objectifs de Vélib’ en tant que politique publique, et de les mettre au regard de ses effets, 10 ans après sa mise en service.
Le deuxième axe, mené par les élèves de Master 2 Urbanisme et Aménagement – Parcours Transport et Mobilité, concerne plus spécifiquement les impacts de Vélib’ sur les modes de vie et les pratiques de déplacement franciliens.
10 ans après son lancement, dans quelle mesure Vélib’ a-t-il transformé le système de mobilité de Paris et de la petite couronne ?
L’enquête s’est déployée auprès d’usagers réguliers et occasionnels de Vélib’. Elle a permis de dresser un portrait de ces usagers, de décrire leur utilisation du service, d’identifier comment elle a changé leur mobilité et leur mode de vie et d’en comprendre les ressorts. En complément, une enquête a été réalisée auprès des non-usagers :
Cette étude a été lancée en octobre 2017 et s’est terminée en avril 2018.
Vélib’ s’inscrit dans la continuité des actions portées par la Mairie de Paris depuis les années 1990 (mandature de Jean Tibéri) en faveur du vélo et au détriment de la voiture. Selon cette dernière, Vélib’ devait permettre de réduire la circulation automobile au profit du vélo, faisant de Paris une ville pionnière en termes de politique de mobilité durable.
Pour autant, dix ans après sa mise en place, les impacts du service en termes de report de la voiture vers le vélo apparaissent très décevants. Les anciens automobilistes sont très minoritaires (moins de 5%) parmi les utilisateurs de Vélib’. L’essentiel des utilisateurs du service se déplaçaient auparavant en transports collectifs ou à pied sur les trajets qu’ils font aujourd’hui en Vélib’.
Cependant, Vélib’ induit tout de même un nouveau partage de la voirie (suppression de places de stationnement automobile pour installer les stations). Il rend par ailleurs le vélo plus visible qu’auparavant dans l’espace public.
Un autre effet collatéral est que Vélib’ libère de la place dans les rames en heures de pointe, puisqu’il est très utilisé sur ces plages horaires. Au regard de la saturation des transports collectifs franciliens, c’est positif.
De plus, le service Vélib’ est utilisé. Son utilisation est même la plus intense des systèmes de vélos en libre-service français (près de 7 utilisations par jour et par vélo).
Par ailleurs, Vélib’ ne devait rien coûter à la Mairie de Paris, il devait même rapporter 3 millions d’euros par an. Finalement, son coût annuel s’élève à 33 millions d’euros (soit 17 euros par Parisien de plus de 14 ans, l’âge minimal pour accéder au service). Si on répercutait sur les 300 000 abonnés ce coût supplémentaire du service, le prix de l’abonnement annuel serait de 149 euros par an (contre 39 euros en 2018).
La pratique cycliste – que ça soit celle du Vélib’ ou du vélo personnel - modifie le rapport à l’espace : des lieux qui paraissaient lointains auparavant sont facilement accessibles à vélo, ce qui peut modifier la fréquentation de tel ou tel quartier.
De plus, la pratique cycliste se révèle à la fois utilitaire mais aussi hédoniste :
Pour la plupart des usagers, la pratique du Vélib’, qu’elle soit quotidienne ou occasionnelle, ne modifie pas en profondeur leur mode de vie : elle s’intègre à une routine dans laquelle certains trajets sont réalisés en Vélib’ plutôt qu’en transports collectifs ou à pied (plus rarement en voiture ou en deux-roues motorisés). Les usagers du Vélib’ ont tendance à être plus intermodaux et multimodaux que les usagers du vélo personnel, du fait de la flexibilité propre aux systèmes de vélo en libre-service (VLS). Ils arbitrent avec les autres modes qu’ils ont à disposition selon la météo, le programme de leur journée, leur tenue vestimentaire, la disponibilité d’un Vélib’…
A l’inverse, les usagers du vélo personnel privilégient plus systématiquement le vélo pour se déplacer. Ils ont tendance à adapter leur mode de vie aux contraintes de la pratique cycliste. Par exemple, les lieux qu’ils fréquentent habituellement sont à portée de vélo et disposent d’un stationnement vélo. Autrement dit, la pratique cycliste structure leur mode de vie.
Les systèmes de vélo en libre-service et le vélo personnel rendent ainsi possibles des pratiques différentes, ce qui explique que certains Franciliens utilisent les deux.
Vélib’ permet de découvrir et de tester la pratique cycliste, avant d’en faire une routine, et parfois d’acheter son propre vélo. A l’inverse, certains utilisateurs du vélo personnel se (ré)orientent parfois vers Vélib’ pour des raisons pratiques (difficulté à stationner son vélo, externalisation de la maintenance du vélo, coût plus faible...).
Cependant, ce service ne répond pas aux besoins de tous tout le temps (vélo standardisés, incertitude sur la disponibilité des vélos…). Il ne règle pas certains problèmes aujourd’hui inhérents à la pratique cycliste (dangerosité…). Par conséquent, un système de vélos en libre-service comme Vélib’, s’il a son utilité, ne peut pas tenir lieu d’unique politique vélo : des actions complémentaires sont nécessaires pour développer la pratique cycliste.
Les attaches du cyclistes : vidéo réalisée par les étudiants de master 2
Power Point - Vélib', politique de mobilité durable ?
Rapport - Vélib', politique de mobilité durable ?
Synthèse - le "vélibeur", un cycliste pas comme les autres ?
Rapport - le "vélibeur", un cycliste pas comme les autres ?
Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.
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