Face aux nombreux maux (environnementaux, sociaux, etc.) engendrés par le système automobile actuel fondé sur la vitesse, les pouvoirs publics privilégient le levier de l’amélioration technologique et notamment celui de l’électrification des véhicules, sans mettre de frein à la vente de toujours plus de SUV. À rebours de ces dynamiques actuelles, le Forum Vies Mobiles, en partenariat avec La Fabrique Écologique, a voulu explorer une alternative : les véhicules légers, fondés sur des technologies plus sobres. Les deux instituts ont copiloté un groupe de travail afin d’identifier l’intérêt et de comprendre comment favoriser le développement et la diffusion de ces véhicules qui répondent à de nombreux besoins.
Le groupe de travail a réuni une dizaine d’experts et professionnels de la mobilité, de la transition énergétique ou encore de la filière automobile. Il s’est réuni une dizaine de fois entre septembre 2021 et novembre 2022 pour réfléchir à l’intérêt et aux moyens de favoriser l’émergence d’une filière de véhicules légers et de diffusion de ces véhicules au sein de la société.
• Face à un système automobile insoutenable, donner du poids à la légèreté
Aujourd’hui, le système automobile fondé sur la vitesse est devenu insoutenable : des déplacements de plus en plus longs et lointains, des ménages de plus en plus motorisés, des véhicules de plus en plus lourds, des conséquences écologiques considérables (CO2, emprise spatiale, pollution, …), des modes de vies vécus comme trop intenses, mais aussi des inégalités sociales et des coûts pour les individus et la collectivité qui ne peuvent plus être ignorés, notamment après la crise énergétique survenue en 2022. Face à ces défis, l’électrification des véhicules et la recherche d’innovations technologiques dont la voiture autonome constitue un des horizons sont aujourd’hui au cœur des politiques publiques qui les considèrent comme le levier prioritaire, notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports, premier secteur émetteur en France.
Pourtant, l’entrée par la technique ne suffira pas, d’une part parce qu’elle n’apporte pas de réponse aux autres impacts écologiques et sociaux des transports routiers de personnes (étalement urbain, sédentarité, coût économique élevé, etc.), d’autre part parce que l’électrification accentue d’autres pressions environnementales. D’autant plus que le scénario de référence présenté par Réseau Transport Électrique (RTE) en 2021 indique que l’électrification des transports sera le premier facteur d’augmentation de la consommation d’électricité à horizon 2050, impliquant de développer à un rythme effréné les énergies renouvelables et/ou le nucléaire. À rebours de la dynamique actuelle consistant à vendre toujours plus de lourds SUV, y compris électriques, une autre voie est possible : mettre l’innovation au service de la réduction du poids des véhicules et de la sobriété tout en répondant aux besoins de déplacements des populations.
En complément des transports collectifs, de la marche et du vélo, une nouvelle offre alternative à la voiture doit être développée : les véhicules légers, moins coûteux, dont les besoins en énergie (électrique ou humaine) sont inférieurs, et parfaitement adaptés à de nombreux trajets.
• Ils existent déjà et ils peuvent répondre à une diversité de besoins
Or il existe déjà une gamme de véhicules légers, intermédiaires entre le vélo et la voiture, qui pourraient répondre à une diversité de besoins, pour tous et pour tous les types de territoires. Ce sont des véhicules de moins de 500 kilogrammes, certains encore à l’état de prototype, qui roulent généralement à une vitesse maximum de 50 km/h et émettent peu de CO2, aussi bien lors de leur utilisation, car ils sont mécaniques ou électriques, que sur l’ensemble de leur cycle de vie grâce à une production locale et à une plus grande réparabilité. Ces véhicules permettent de faire plus de choses que le vélo (équilibre, vitesse, effort, transport de charges ou de personnes, ...) mais davantage en proximité que la voiture telle qu’on la connait aujourd’hui. Ils sont particulièrement adaptés pour les déplacements de la vie quotidienne en proximité : aller au travail, faire ses courses, transporter du matériel, accompagner des enfants, des personnes âgées, etc. Dès aujourd’hui, ils pourraient répondre aux besoins des 30% de la population qui pratiquent déjà l’ensemble de leurs activités à moins de 9km de leur domicile, des 60% de personnes en emploi qui ont des trajets domicile-travail de moins de 9 km, des 23% de travailleurs effectuant des déplacements professionnels quotidiens ou occasionnels, ou encore des familles avec 2 à 3 enfants. Il existe également des véhicules adaptés aux personnes à mobilité réduite, par exemple des vélos à assise surbaissée, des véhicules avec des pédaliers à mains ou encore disposant d’une plateforme permettant d’accueillir un fauteuil roulant.
Velocar type H © Darin Schnabel / RM Auctions
Vélo-voiture commercialisé par Midipile © Midipile
Triporteur de la marque Kiffy, qui présente une attache remorque ©Kiffy
Gocab – vélo taxi pour 8 enfants
La production et la réparation de ces véhicules pourrait s’appuyer sur un système décentralisé et issu d’une hybridation entre l’industrie (pour la production des composants) et l’artisanat (pour l’assemblage et la réparation). Les véhicules pourraient ainsi être produits localement, dans des micro-usines disséminées sur le territoire, permettant de créer de l’emploi et d’améliorer les conditions de travail des ouvriers.
Les véhicules légers pourraient ensuite être mis à disposition de la population dans chaque commune ou intercommunalité (suivant leur taille) grâce à un système de partage des véhicules ou encore de location courte ou longue durée. Ce système permettrait de proposer une diversité de véhicules adaptés à une diversité de besoins : vélos cargos pour transporter des charges, vélos taxis pour transporter plusieurs personnes, voiturettes pour aller plus loin, etc. Cela n’exclurait pas la possibilité posséder son propre véhicule, en particulier quand il nécessite des réglages spécifiques (personnes à mobilité réduite), des aides à l’achat pouvant être mises en place (aides des collectivités, de l’Assurance maladie, des mutuelles, etc.) pour ce faire.
• Ils peuvent s’inscrire dans un système complet alternatif à la voiture
Au-delà de leur conception, pour favoriser le développement d’une mobilité sobre, le groupe propose d’inscrire ces véhicules légers dans une réorganisation du territoire pour limiter le nombre et la portée des déplacements, répondant ainsi aux aspirations des individus. Cela impliquerait de réduire les vitesses de déplacement, d’adapter les infrastructures, en particulier leur largeur pour permettre la cohabitation entre différentes vitesses de circulation, mais aussi de repenser l’aménagement du territoire pour favoriser des modes de vie plus en proximité. En complément de la marche et du vélo, ces véhicules légers pourraient ainsi s’inscrire dans un système modal réellement alternatif à la voiture. Leur déploiement s’accompagnerait également d’un nouvel imaginaire de la mobilité abandonnant la vitesse et la performance.
Pour impulser le développement et la diffusion de véhicules légers, le groupe de travail propose :
Une extension du vélo, plus polyvalente, et une simplification de la voiture, plus sobre
Les 30% de la population qui pratiquent déjà l’ensemble de leurs activités à moins de 9km de leur domicile ; les 60% de personnes en emploi qui ont des trajets domicile-travail de moins de 9 km ; les 23% de travailleurs effectuant des déplacements professionnels quotidiens ou occasionnels ; les familles avec 2 à 3 enfants ; les personnes à mobilité réduite nécessitant un véhicule plus adapté que le vélo pour se déplacer ; ...
Moins de 500 kilos
Jusqu’à 50km/h
Mécanique ou électrique
De 1 500 à plus de 10 000 euros selon le type de véhicule (autour de 1 500 euros pour un vélo électrique, 3 500 euros pour un vélo cargo, 4 000 pour un triporteur et 10 000 pour une voiturette).
Pour les déplacements de la vie quotidienne en proximité : aller au travail, faire ses courses, transporter du matériel, accompagner des enfants, des personnes âgées, etc.
Mettre en place un bonus-malus sur le poids des véhicules, organiser la filière de production et de réparation, mettre à disposition des véhicules légers à l’échelle des collectivités et accompagner les individus dans leurs changements de pratiques.
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