Les modes de vie contemporains se caractérisent par la saturation d’activités et une injonction à la mobilité rapide et lointaine. Une part importante de la population aspire dès lors au ralentissement de son rythme de vie. Dans cette section nous nous interrogeons sur l’apport des déplacements à pied et à vélo pour ralentir son rythme de vie.
Aujourd’hui, après plus d’un siècle de valorisation de la vitesse de transport, « une tradition intellectuelle a fait émerger progressivement un faisceau de critiques contre le mythe des bienfaits “naturels” de la vitesse » (Desjardins, 2015). Il y a en effet, une montée en puissance, depuis plus de vingt ans, des préoccupations liées à la mobilité lente. Copenhague s’y présente comme le leader, mais de nombreuses villes européennes s’y mettent également. La place de la voiture commence à être repensée au profit de systèmes de transports publics performants et de modes de transports dits, doux ou actifs. L’objectif y est d’abord d’améliorer la qualité de vie, mais aussi de réduire la pollution atmosphérique, les nuisances et le stress pour les habitants des centres-villes (Gehl, 2011). Ce regain d’intérêt pour la lenteur se concrétise à travers la multiplication des espaces piétons, ou partagés autour des centres, ainsi que par la mise en place de réseaux de pistes cyclables et de promenades.
Pour analyser finement les rapports entre la lenteur et les communs, il convient également d’approfondir les fondements du regain d’intérêt pour la lenteur en urbanisme. Depuis les années 2000, une nouvelle utopie urbaine a émergé autour du concept de Slow City (Knox, 2005). À travers le réseau international Cittaslow, 200 villes de petite taille (moins de 50 000 habitants) se sont engagées dans une stratégie qui vise à valoriser, entre autres, la qualité de l’environnement et du tissu urbain, les produits et spécificités locales ou le sens communautaire. Dans cette perspective, et en écho avec les principes de « slow food » ou encore de « slow science » — l’idée de lenteur ne renvoie pas seulement à un différentiel de vitesse, mais, plus fondamentalement, à des formes alternatives de modes de production, d’organisation sociale et de relation à l’autre. Rapportée à la ville, l’idée fondamentale est dès lors la suivante : il est nécessaire de ralentir — les flux, les rythmes de production, etc. — pour créer les conditions d’un développement urbain durable.
Alors que la vitesse a été traditionnellement considérée comme un symbole de la productivité et du progrès technique, la lenteur apparait désormais comme une « innovation » pour mener une nouvelle transition urbaine (Wiel, 1999). Ainsi, face à la ville motorisée par exemple, la ville pédestre est présentée comme « la ville rapide par excellence » (Lévy, 2008, p. 58).
Néanmoins, le concept de Slow City a également été critiqué par certains auteurs qui considèrent que ce modèle urbain répond à des intérêts et des contextes locaux spécifiques difficilement généralisables. Les recherches récentes menées sur cette thématique nous apprennent que lorsque le modèle de Slow City inspire des pratiques d’urbanisme et d’aménagement, les propositions élaborées concernent de manière restreinte et sélective à l’intérieur des villes (Knox, 2005). Le modèle du Slow City serait ainsi le « luxe » de portions privilégiées du territoire (le centre contre la périphérie) (Reigner, 2013).
Se pose dès lors la question de ce que ralentir veut dire. La lenteur propre à un mode de vie dépend certes de l’ergonomie de l’espace public et des systèmes de transport, mais elle n’entretient pas de rapports mécaniques avec ceux-ci. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un espace est aménagé pour favoriser la lenteur qu’il est utilisé comme tel. Les travaux de recherche sur le sujet suggèrent plutôt que la lenteur peut aller de pair avec une utilisation intensive des systèmes de communication à distance (smartphone, tablette, ordinateur relié à internet), utilisation d’ailleurs appuyée par l’équipement de plus en plus fréquent des espaces publics en wifi gratuit (Christie 2018). De la même manière, de nombreux travaux montrent que les personnes qui parcourent peu de kilomètres dans la journée réalisent des programmes d’activités plus complexes en nombre d’activités et du point de vue de la diversité de ces activités que des personnes réalisant de grandes boucles de mobilité quotidienne.
Les thèmes de la revue de littérature :
Thème 1 : Modes de vie et usages du vélo
Thème 2 : Vélo et différenciations sociales
Thème 3 : Le potentiel de report modal de la marche
Thème 4 : Le piéton en tant que sujet
Thème 5 : L’expérience de la marche et du vélo
Thème 6 : Les conflits d’usage entre modes actifs
Thème 7 : La marche et le vélo comme compléments aux transports publics
Thème 8 : Les rythmes urbains et la mobilité piétonne et cyclable
Conclusions et pistes de recherche
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Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.
En savoir plus xUn mode de vie est une composition - dans le temps et l’espace - des activités et expériences quotidiennes qui donnent sens et forme à la vie d’une personne ou d’un groupe.
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