L’autostop classique, mode de déplacement informel, avait été marginalisé par la démocratisation de la voiture individuelle. Le développement du covoiturage poursuit cette marginalisation. Mais, parallèlement, depuis le début des années 2000, l’autostop « de proximité », variante sécurisée de l’autostop classique destinée aux déplacements du quotidien, se développe.
L’autostop « classique » est une pratique informelle 1 , immédiate et libre qui s’est développée en Amérique du Nord et en Europe après la seconde Guerre Mondiale, essentiellement pour parcourir des longues distances. Le principe est simple : un autostoppeur se tient le long d’une route dans l’attente d’un conducteur qui l’amène vers sa destination. B. WECHNER 2 identifie trois motifs à ce mode de déplacement : économique (même si la gratuité du voyage se traduit par des trajets plus longs et plus fatigants) ; sociale (faire de l’autostop permet de voyager « seul » autrement) ; enfin, le goût pour le « risque » que procure l’autostop.
Comme le mentionne la sociologue Stéphanie VINCENT 3 , la démocratisation de la voiture, en particulier chez les jeunes, a fait perdre du terrain à l’autostop « classique » dans les années 1980. Néanmoins, cette pratique est encore présente dans les pays de l’Est et en Russie, où de nombreux clubs d’autostop existent, organisent des compétitions et font de cette pratique un véritable sport.
Plus qu’un mode de déplacement, l’autostop « classique » constituerait aujourd’hui surtout une expérience, une aventure qui permettrait de « se trouver, de laisser de côté le quotidien » 4 . Selon l’anthropologue Patrick LAVIOLETTE 5 , le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication a beaucoup fait évoluer cette pratique, avant le voyage (en facilitant l’accès aux informations permettant de le préparer) et pendant (en permettant le maintien des contacts avec les personnes à distance).
L’autostop de proximité 6 se situe entre l’autostop classique et le covoiturage : à la différence du premier, il se pratique sur des distances courtes, quotidiennes. Particulièrement adapté aux territoires ruraux et périurbains, il peut y pallier le manque de services de transport en commun compétitifs avec la voiture.
La peur des « mauvaises rencontres » est un véritable frein à l’autostop. Les conducteurs sont rarement prêts à prendre un autostoppeur qu’ils ne connaissent pas. Si cette condition a peu de chance d’être remplie pour de l’autostop classique, c'est tout à fait envisageable dans le cas de l’autostop de proximité, pratiqué localement. Pour favoriser les rencontres entre conducteurs et passagers et garantir une sécurité maximale, des communautés sont créées autour de chaque réseau d’autostop : les membres s’inscrivent, s’identifient et signent une charte de bonne conduite. En échange, ils reçoivent un « kit de l’autostoppeur » aux couleurs de la communauté, qui leur permet de se reconnaître 7 .
Les réseaux sont structurés autour d’arrêts de bus existants ou d’arrêts spécifiquement aménagés par les communautés ou collectivités locales à des endroits stratégiques, qui doivent permettre aux autostoppeurs d’attendre en toute sécurité et de trouver rapidement une voiture.
Les réseaux d’autostop de proximité sont issus d’initiatives citoyennes ou développés par des intercommunalités. Depuis la création de la première association d’autostop de proximité - les VAP 8 (Voitures A Plusieurs) en Belgique en 2005 - de nombreux réseaux ont vu le jour en France et en Belgique : Covoit’Stop 9 en Belgique (2008), RézoPouce 10 en Midi-Pyrénées (2010), EcoStop 11 à Floirac-33 (2012), Stop Covoiturage 12 dans le Val de Saône (2013), le réseau organisé par Brest Métropole Océane (2013), etc. A l’étranger, cette pratique semble peu répandue. Elle existe néanmoins en Russie : M. FERNANDEZ 13 mentionne le urban hitchhiking , qui permet de se déplacer gratuitement dans les villes post-soviétiques russes.
L’intérêt de l’autostop de proximité est de désenclaver des territoires dépendants de la voiture et de permettre en particulier à des populations peu ou non mobiles d’augmenter leur périmètre quotidien. Le principe est de profiter des trajets effectués chaque jour par de nombreux conducteurs (souvent autosolistes, c’est-à-dire seuls dans leur voiture) vers les pôles d’attractivité (zones d’activités, grandes surfaces, établissements scolaires) ou lieux stratégiques en matière de mobilité (gares, arrêts de tramway ou bus). Certains réseaux fonctionnent ainsi exclusivement sur des « lignes » spécifiques qui relient deux villages, ou desservent une zone d’attractivité (comme le réseau créé par Brest Métropole Océane 14 ).
L’autostop de proximité est une « solution parmi d’autres qui s’inscrit dans une culture multimodale » 15 , en complément d’autres modes de transport existants : covoiturage, services de transport en commun… Il peut notamment faciliter le franchissement du « dernier kilomètre », pour rejoindre une gare ou un lieu d’emploi (comme le réseau créé par Nantes Métropole 16 et ses « points stop » sur le trajet vers l’aéroport). En zones peu denses, un réseau performant d’autostop de proximité peut remplacer des services de transport en commun souvent faiblement rentables : le développement de la pratique est peu coûteux pour la structure ou la collectivité qui le met en place, en termes d’infrastructures (qui se réduisent à l’aménagement de quelques arrêts) et de fonctionnement.
Le coût pour les usagers est déterminé par chaque communauté : l’autostop de proximité étant une pratique ponctuelle et sur de courtes distances, la tendance est à la gratuité, comme pour l’autostop classique. Sur vingt communautés recensées 17 , cinq demandent une participation aux frais de trajet (environ 0,05€ par km), deux (dont l’association VAP, qui a de nombreuses antennes en France et en Belgique) demandent uniquement des frais d’adhésion ; les autres ne demandent aucune participation.
Pour se développer, l’autostop de proximité doit gagner en visibilité en diffusant son concept. En effet, il est aujourd’hui peu connu des populations, élus ou autres acteurs des territoires sur lesquels il se déploie, bien qu’il arrive à de nombreuses personnes de prendre dans leur voiture des « jeunes du village qu’ils connaissent » 18 . Il s’agirait alors de communiquer sur la formalisation de l’autostop et sa structuration sous forme de communautés regroupant autostoppeurs et conducteurs, en mettant l’accent sur le côté sécurisé de cette pratique.
Les kits distribués par les communautés jouent un grand rôle dans leur visibilité, en particulier les macarons fournis aux conducteurs : en se déplaçant, les véhicules font connaître le réseau dans tout le territoire parcouru. Les arrêts d’autostop, où sont apposés les logos des réseaux, sont également des vecteurs de visibilité.
Etre sûr de trouver une voiture et d’arriver à l’heure est le principal problème qui se pose aux autostoppeurs. Pour augmenter les chances de trouver une voiture, des applications Smartphone ont été créées, telles Covivo 19 , pour proposer du « covoiturage en temps réel » 20 : ce concept de covoiturage dynamique n’est adapté qu’aux axes sur lesquels circulent suffisamment de voitures.
Pour les déplacements quotidiens, l’autostop de proximité peut également être un préalable à du covoiturage régulier. Trouver un covoitureur n’est pas toujours possible sur les sites de covoiturage existants, où une faible partie des trajets réellement effectués est indiquée : ceci amène beaucoup de personnes intéressées à renoncer. Faire de l’autostop de proximité peut conduire à trouver un ou plusieurs covoitureurs réguliers : si les autostoppeurs se déplacent régulièrement sur les mêmes axes aux mêmes horaires, ils sont susceptibles d’être pris en charge par le(s) même(s) conducteur(s). Après quelques trajets, cet autostop de proximité « informel » peut donc se muer en covoiturage régulier.
Les passagers sont essentiellement des « captifs » : des personnes non motorisées sans réelle alternative en termes de déplacement individuel. Ce sont des populations qualifiées d’« assignés territoriaux » (LE BRETON, DUPUIS), dont la motilité est réduite pour des raisons financières, physiques, culturelles, linguistiques ou cognitives :
Certaines personnes âgées aimeraient pratiquer l’autostop de proximité, mais les différents tests effectués par RézoPouce ont montré que le système n’était pas adapté à leurs pratiques et besoins.
Certains passagers (identifiés par RézoPouce) sont des « cadres flexibles », des cadres supérieurs qui peuvent adapter leurs horaires de travail à leurs contraintes et « prendre le risque » de se déplacer en autostop.
Ils sont essentiellement âgés de 25 à 64 ans (91% appartiennent à cette catégorie dans Covoit’Stop), et se caractérisent notamment par une sensibilité aux questions environnementales.
1 Une pratique informelle est une pratique non réglementée.
2 WECHNER B. (1996)
3 VINCENT S. (2013)
4 MARTINEZ F. (2013)
5 MARTINEZ F. (2013)
6 On parle également d’autostop participatif, ou d’autostop organisé.
7 Selon les communautés, ce kit comprend : une carte de membre, des cartons pour les autostoppeurs, et un macaron que les conducteurs doivent apposer sur leur pare-brise .
8 https://www.autosbus.org/sites/default/files/Bruxelles_131220.pdf
11 www.ville-floirac33.fr (onglet Agenda 21 – L’Agenda 21 en actions)
12 www.territoire-saone-mont-dor.fr (onglet Se Déplacer en Val de Saône)
13 FERNANDEZ M. (2013)
14 www.cotebrest.fr/2013/07/02/l%E2%80%99auto-stoppeur-a-ses-stations/
15 FNE Midi-Pyrénées (2012)
16 m.lesechos.fr/redirect_article.php?id=0202257363012
17 Recensement réalisé dans le cadre de l’écriture de cet article.
18 HUYGHE M. et al (2013)
19 www.covoiturage-dynamique.eu/
20 Conducteurs et passagers entrent leur destination dans l’application : celle-ci envoie alors une proposition de trajet au conducteur le plus proche, qui a 20 secondes pour accepter ou refuser d’emmener le passager.
L’autostop classique, mode de déplacement informel, avait été marginalisé par la démocratisation de la voiture individuelle. Le développement du covoiturage poursuit cette marginalisation. Mais, parallèlement, depuis le début des années 2000, l’autostop « de proximité », variante sécurisée de l’autostop classique destinée aux déplacements du quotidien, se développe.
En savoir plus xLe déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xLes altermobilités recouvrent l’ensemble des comportements de déplacement alternatifs à un usage exclusif de la voiture particulière. Elles revendiquent également un certain droit à la lenteur, ce qui suppose une articulation originale des espaces géographiques et sociaux en lien avec un usage limité de la voiture.
En savoir plus xPour citer cette publication :
Marie Huyghe (25 Avril 2014), « Autostop », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 21 Novembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org./dictionnaire/2308/autostop
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