Responsabilité Sociétale des Entreprises, coworking et délocalisation placent la mobilité au cœur des nouvelles pratiques de management des entreprises. Cette recherche interroge ces nouvelles pratiques de gestion de la mobilité en entreprise. Trois études de cas menées par trois chercheurs en sciences de gestion – Denis Chabault, Élodie Loubaresse et Bertrand Sergot – permettent de mieux les comprendre.
Recherche menée par Bertrand Sergot, Denis Chabault et Élodie Loubaresse
Avec le concours de Céline Schmidt
Dans cette recherche, les entreprises sont comprises et définies comme des « régulatrices de mobilité », au même titre que les États. Dans quelle mesure et de quelles manières ces entreprises organisent-elles nos vies mobiles ? Quelles implications cette régulation peut-elle avoir pour les dirigeants d’entreprises, ainsi que pour les pouvoirs publics locaux ou nationaux ? L’expression de « régulatrices de mobilité » s’inspire notamment de John Urry et de Tim Cresswell, qui considèrent l’État comme un régulateur de mobilité, filtrant et discriminant les mobilités entre celles qui sont jugées favorables aux intérêts de la collectivité et méritent donc d'être facilitées et celles qui sont déviantes ou dysfonctionnelles et doivent par conséquent être contrôlées voire interdites. Les entreprises produisent des mobilités différenciées selon les échelles, les temporalités, les groupes sociaux, etc.
Grâce aux trois terrains étudiés, ce programme de recherche permet de mettre en évidence plusieurs enseignements transversaux, que nous présentons sous forme de tensions.
La perception du caractère subi des mobilités semble liée à l’origine des mobilités et aux décisions qui s’y rapportent.
La seconde tension qui émerge dans la recherche porte plus spécifiquement sur le décalage entre des attentes individuelles en termes de mobilités spatiales et la réalité, quotidienne ou plus exceptionnelle, de l’entreprise. Les attentes individuelles en termes de mobilités spatiales s’appuient sur deux principaux fondements :
Les décalages issus de ces tensions reposent sur deux dimensions :
La mobilité spatiale est également source de tension entre vie professionnelle et vie privée. Les tensions vie professionnelle/ vie privée sont omniprésentes dans les cas étudiés. Elles sont plutôt exprimées négativement et jouent à plusieurs niveaux :
Ces tensions peuvent également conduire à une forme de sur-investissement qui se retrouve plus spécifiquement dans l’axe télétravail. L’absence de frontière spatio-temporelle nette entre le travail et la vie personnelle conduit les individus à davantage travailler.
La porosité, la perméabilité des frontières mais aussi leurs interconnexions sont souvent avancées comme des avantages ayant pour conséquences l’apparition d’organisations décentralisées, plus réactives et plus souples. Le lieu de travail devient alors un espace hybride, un lieu de l’entre deux, entre lieu professionnel dans lequel s’imbrique des aspects personnels, et inversement, l’espace de vie personnel accueille des aspects professionnels.
Plus spécifiquement, certains télétravailleurs ont justement choisi le télétravail comme organisation du travail, de manière à profiter des aspects bénéfiques pour une nouvelle configuration vie professionnelle/vie privée.
Cette dernière tension est qualifiée de tension stabilisation/déstabilisation organisationnelle car elle renvoie à l’appréhension des entreprises comme des collectifs organisés construits autour de normes, de procédures et de règles de fonctionnement acceptés par tous, salariés et/ou dirigeants, et orientés vers la réalisation d’objectifs communs, les objectifs organisationnels.
Assurer et maintenir le fonctionnement des entreprises comme des collectifs organisés ne va pas de soi et nécessite un travail constant afin de stabiliser son fonctionnement. L’apparente stabilité dans l’espace et dans le temps des entreprises résulte donc d’un équilibre dynamique, d’une tension permanente entre, d’une part, des forces favorisant la stabilisation organisationnelle et, d’autre part, des forces poussant à la déstabilisation organisationnelle.
Nos données empiriques indiquent qu’il existe, sur les trois terrains étudiés, un potentiel de déstabilisation des entreprises associé aux mobilités et immobilités spatiales de leurs salariés. Ce potentiel de déstabilisation découle notamment du sentiment d’appartenance de ces salariés à des collectifs plus ou moins organisés autres que l’entreprise qui les emploie.
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Globalement, les résultats de notre programme de recherche montrent que les pratiques et les représentations des mobilités (et immobilités) spatiales individuelles placent les entreprises dans un état de tension(s) permanent qui laisse toujours ouverte la possibilité d’une déstabilisation organisationnelle ou, pour le dire autrement, la possibilité que le collectif organisé que constitue l’entreprise se délite progressivement. Le contexte actuel, caractérisé par le recul du travail posté et sédentaire classique au profit d’une plus grande dispersion spatio-temporelle des pratiques professionnelles, accroît ces risques de déstabilisation, questionnant les modalités habituelles de fonctionnement de l’entreprise et participant à l’émergence de nouveaux collectifs de travail.
Au regard des constats que nous venons de faire, il est possible d’esquisser quelques recommandations managériales :
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Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.
En savoir plus xLe déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xExercice d’une activité salariée hors des locaux de l’entreprise, à domicile ou dans un lieu tiers pendant les horaires de travail habituels et nécessitant d’avoir accès à des outils de télécommunication.
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