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Potentiel d'accueil d'un territoire

Par Vincent Kaufmann (Sociologue)
20 Décembre 2012

Chaque territoire offre un champ des possibles spécifique pour accueillir les projets des acteurs individuels et collectifs. C’est ce qu’on appelle le potentiel d’accueil d’un territoire.


Le potentiel d’accueil d’un territoire est composé de toute une série d’ingrédients.

  • Les réseaux disponibles : réseaux routiers, autoroutiers, ferroviaires, plateformes aéroportuaires, équipement du territoire en télécommunications, leur développement, leurs performances respectives et leurs conditions d’accès.
  • L’espace et l’ensemble de ses configurations territoriales : configurations urbaines, centralités fonctionnelles, territoires institutionnels, etc.
  • Le marché de l’emploi, soit les possibilités de formation et d’emploi et le taux de chômage.
  • Les institutions et lois régissant d’une manière ou d’une autre les activités humaines, comme par exemple la politique familiale, les aides à la propriété et au logement, la politique d’immigration.

En bref, l’ensemble des rapports sociaux et des modèles de réussite proposés par une société et les épreuves auxquelles elle soumet les différents acteurs qui la composent (Pattaroni et al. 2010).

Précisions

Le rôle majeur des artefacts matériels

Si l’hospitalité différentielle des territoires à des projets n’est pas nouvelle, ce qui l’est, en revanche, est le champ de ressources pour un tel acteur individuel ou collectif lui permettant de pouvoir se localiser en jouant avec les multiples possibilités offertes par les potentiels de vitesses que permettent les systèmes de communication et de transport, d’une part, et l’hospitalité des espaces urbains accessibles à différents projets, d’autre part (Kaufmann, 2011).

Ce qui définit l’étendue et l’ouverture du potentiel d’accueil d’un territoire à un projet renvoie largement aux dispositifs matériels qui les encadrent. Toute action est en effet située dans un contexte unique et suppose que l’environnement offre des opportunités permettant de la réaliser (Gibson, 1979).

Les objets (artefacts matériels) sont primordiaux dans le potentiel d’accueil procuré par un territoire à des projets, mais plus fondamentalement encore, ils agissent sur l’émergence et la définition des projets des acteurs (Hommels, 2005). Reconnaître que la diversité des formes urbaines, de leur esthétique, de leur ambiance, de la manière dont elles sont habitées, de leur prix, etc. définit le potentiel d’accueil d’un territoire est une évidence. De la même manière, les potentiels d’accès procurés par les systèmes de transport contribuent à définir le potentiel d’accueil de projets de mobilité et de déplacements . Les aménités culturelles, sportives, économiques sont aussi de nature à définir le potentiel d’accueil de projets.

L’impact de l’ensemble des artefacts matériels qui constituent le territoire agit sur la présence même aussi bien que sur la nature des projets (Kaufmann, 2011). La présence de friches industrielles ou de nombreux anciens ateliers désaffectés en pleine ville est de nature à stimuler les projets de réappropriation. La possibilité de vivre sans voiture grâce à l’excellence des transports publics contribue à rendre ce mode de vie désirable et donc à l’adopter. La présence de nombreuses salles de spectacles va contribuer à faire naître des projets de festival. On pourrait multiplier les exemples.

Des potentialités inégales

Cette observation a pour conséquence que tous les projets ne peuvent se loger partout dans le territoire : certains lieux sont plus accueillants pour certains projets, compte tenu de leurs caractéristiques morphologiques, des lois qui les régissent, de leur accessibilité, etc.

Un champ des possibles borne les potentialités de déplacements et, d’emblée, il apparaît que, suivant les régions et les pays, ces potentialités sont inégales. C’est évident par rapport aux infrastructures et aux services de transports. Une région centrale n’offre pas les mêmes possibilités de déplacements qu’une région périphérique, un pays du Nord qu’un pays du Sud. Surtout, les contextes n’offrent pas les mêmes possibilités d’être mobiles : le marché de l’emploi, l’offre de loisirs, etc. sont assez largement différenciés à différentes échelles spatiales allant du local au continental, en passant naturellement par le national. Certains auteurs ont parfois eu trop tendance à considérer qu’il s’était dissout dans un cosmopolitisme triomphant.

Habiter Londres plutôt que Nairobi en étant respectivement britannique et kenyan est radicalement différent en termes de revenu – à profession équivalente –, de protection sociale, de possibilités de carrière professionnelle, de possibilités de parcourir le monde sans visa, etc.

Dans d’autres pays européens (ou, dans certains cas, d’autres villes françaises si l’on suit les analyses de Marc Wiel (1999) sur le parc de logements), les villes se sont développées autour d’autres types d’urbanisation produisant un système de possibilités et de contraintes différent. Ainsi, les familles souhaitant vivre dans une maison de ville à proximité d’un centre urbain n’auront aucune peine à trouver chaussure à leur pied en Grande-Bretagne, pays où le parc de logements se compose essentiellement de “terraced” et de “semi detached houses”. À l’inverse, les ménages souhaitant habiter une maison – vraiment – individuelle auront plus de difficultés en Grande-Bretagne qu’en France, ce type de logement y étant très onéreux. On pourrait suivre le même raisonnement pour l’usage de l’automobile. Aux Pays-Bas où les réseaux de transports publics desservent très bien le territoire dans l’espace et le temps, il est plus facile de se passer d’automobile dans sa vie quotidienne qu’en France. 

Bibliographie

Gibson, J.J. (1979), The Ecological Approach to Visual Perception , Houghton Mifflin, Boston

Hommels, A. (2005), Unbuilding Cities. Obduracy in Urban Sociotechnical Change, MIT Press, Cambridge/MA

Kaufmann, V. (2011), Re-thinking the City , Routledge and EPFL-Press, London and Lausanne

Pattaroni L., Kaufmann V. et Rabinovich A. (2010), (éds.) Habitat en devenir , PPUR, Lausanne

Wiel M. (1999), La transition urbaine , Margada éditions, Spirmont.

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Vincent Kaufmann

Sociologue

Sociologue suisse, Vincent Kaufmann est l’un des pionniers de la recherche sur la mobilité et l’inventeur du concept de motilité. Il est directeur du laboratoire de Sociologie Urbaine de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (LaSUR-EPFL) et professeur de sociologie et d’analyse des mobilités. Il est le directeur scientifique du Forum Vies Mobiles.



Pour citer cette publication :

Vincent Kaufmann (20 Décembre 2012), « Potentiel d'accueil d'un territoire », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 21 Novembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org./dictionnaire/554/potentiel-daccueil-dun-territoire


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