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Mobilité et changement climatique : il est urgent d'agir

Par
Kevin Anderson (Chercheur en sciences de l'environnement et climatologie)
16 Novembre 2015

Qu’elle concerne la circulation des personnes ou le fret, la mobilité est une source majeure de gaz à effet de serre qui, par voie de conséquence, contribue au changement climatique. Au Royaume-Uni, le Professeur Kevin Anderson est un spécialiste reconnu des questions d’énergie et de changement climatique.






Mobilité et changement climatique : il est urgent d’agir

Kevin Anderson

En 1988, les Nations unies ont institué le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le premier rapport du GIEC, qui représente l‘essentiel de l’expertise mondiale partagée en matière de changement climatique, est paru en 1990. Dès cette parution, tout a été dit sur les mesures à prendre pour réduire nos émissions de CO2. Cette année pourtant, alors qu’un quart de siècle s’est écoulé, nos émissions s’inscriront en hausse de 60 % par rapport à leur niveau de 1990. Depuis le dernier rapport paru en 2007, nous avons rejeté milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

Une augmentation continue des émissions de CO2

Aujourd’hui en 2015, la situation est ô combien plus grave qu’en 1990. Nous avons épuisé une bonne partie de ce qu’il est convenu d’appeler notre budget carbone – la quantité de CO2 qui peut être émise dans l’atmosphère pour une hausse de température donnée – si bien que la part de budget carbone restante est très faible. Par conséquent, le virage qu’il faut prendre est bien plus abrupt, plus radical et plus difficile à négocier aujourd’hui, en 2015, de la part d’une société moderne, que si nous nous étions mobilisés dès 1990. Au lieu de quoi, nous avons préféré adopter collectivement une attitude démissionnaire, qui nous a menés là où nous en sommes aujourd’hui, en 2015, c’est-à-dire aux prises avec un problème bien plus préoccupant. C’est à ce problème que les négociations qui auront lieu à Paris, en novembre et décembre, vont devoir tenter d’apporter une réponse. La mobilité, celle des hommes mais aussi celle des marchandises - ordinateurs ou vêtements en provenance de Chine, voitures traversant l’Europe depuis l’Allemagne ou la France vers le Royaume-Uni – représente environ un tiers de nos émissions de CO2. Mais si nous regardons plus en détail une zone géographique comme l’Union européenne, nous constatons qu’entre 12 et 15 % de nos émissions de CO2 sont le fait de nos déplacements automobiles. La voiture est donc une source majeure d’émissions de CO2 au sein de l’Union européenne. Nous trouvons ensuite le transport aérien. Au Royaume-Uni, c’est selon les années plus ou moins 6 % de nos rejets de CO2 qui lui sont imputables. Or il faut rappeler que les voyages en avion restent un privilège : une petite fraction de la population est donc à l’origine d’une part conséquente de nos émissions, de l’ordre de 6 %. Le transport maritime, quant à lui représente 3 % ou 4 % supplémentaires à l’échelle mondiale, le secteur aérien se situant probablement autour de 2 ou 3 % sur le plan mondial. La mobilité est donc une source très importante d’émission de CO2. Nous déployons beaucoup d’effort en matière de production électrique – la France est déjà à la tête d’un vaste parc nucléaire – et notre électricité, en majeure partie, produit peu de CO2. La tendance est à l’accroissement de la part du renouvelable dans notre parc électrique. À l’inverse, si l’on se tourne du côté du transport routier, aérien et maritime, nos émissions continuent invariablement de grimper d’une année à l’autre. Sur ce plan, nous sommes donc sur la mauvaise voie, en dépit des nombreux leviers qu’il serait possible d’actionner, exception faite du secteur aérien, où les choses sont très compliquées. La mobilité est donc à l’origine d’une grosse part du problème et ne fait que l’aggraver.

Les TIC : une arme à double tranchant contre le réchauffement climatique

Nous disposons aujourd’hui de nombreuses technologies, souvent rassemblées sous le terme de « technologies de l’information » qui nous offrent de nouveaux canaux de communication : c’est le cas des ordinateurs, qui nous permettent d’utiliser le courrier électronique ou les réseaux sociaux, mais également la visioconférence et autres équipements de ce type. Aussi pourrions-nous, au moins théoriquement, nous prévaloir de ces moyens de communication pour rendre le déplacement superflu. Mais, bien entendu, ces techniques sont elles-mêmes très gourmandes en énergie électrique. Selon certaines estimations le secteur informatique consomme à peu près autant d’énergie que le secteur aérien : les serveurs informatiques constituent donc en eux-mêmes un vrai problème. Ceci étant dit, pour peu que l’on s’équipe d’un parc électrique bas carbone, comme en France, en Islande ou en Scandinavie, il devient possible d’alimenter le secteur informatique, nos ordinateurs, nos systèmes de visio-conférence, avec une électricité relativement bas carbone. Mais émerge alors un autre problème. Car s’ils peuvent nous épargner de nombreux déplacements, en particulier dans le monde de la recherche et de l’entreprise, où l’on peut recourir davantage à l’informatique pour communiquer avec des collègues de pays voisins, de continents différents ou seulement séparés par quelques kilomètres, les outils informatiques ont aussi pour effet de faciliter la communication. Ce qui peut induire à penser que l’on gagnerait à se rencontrer physiquement. Ces moyens constituent alors une incitation à voyager davantage. La technologie a donc une incidence, positive ou négative, sur le changement climatique, selon l’usage que nous en faisons. Pour l’heure, je dirais que les possibilités offertes par les TIC viennent non pas remplacer mais s’ajouter à nos pratiques de déplacements physiques et peuvent même contribuer à les intensifier.

La technologie au service de la réduction des déplacements

Actuellement, notre usage des TIC ne contribue pas à la réduction des émissions de CO2. Il pourrait en aller autrement et il en découlerait également des bénéfices sur le plan économique, car les déplacements coûtent non seulement de l’argent l’achat du billet et le coût du trajet lui-même, mais aussi du temps. Pour l’essentiel, les temps de déplacement ne sont pas très productifs et il devrait être possible de tirer parti de TIC et des équipements de visioconférence pour les éviter. Ce pourrait être tout à fait positif pour les entreprises, comme pour les personnes très occupées ou désireuses de se consacrer davantage à leur vie de famille et de moins voyager. Pour le moment, je pense que notre usage des TIC n’a pas vraiment d’effet positif sur le changement climatique, il ne contribue probablement pas à la maîtrise des coûts ni au ralentissement de nos vies trépidantes. Bien au contraire, il est probable qu’aujourd’hui, il ne fasse qu’aggraver les choses.

Des infrastructures sous tension

Si nous continuons à ne rien faire contre le changement climatique, les effets induits vont se multiplier, et ils auront un retentissement sur nos modes de déplacement, nos formes de mobilité, ainsi que sur de nombreuses autres sphères de l’existence. Nous venons par exemple d’en faire l’expérience au Royaume-Uni, pendant les récentes vagues de chaleur. Nos lignes ferroviaires n’étaient pas conçues pour des températures de ce niveau. Nous avons enregistré un record de chaleur un jour de juillet, ce qui a provoqué la déformation des voies ferrées, rendant la circulation des trains impossibles. De même, le goudron des chaussées au Royaume-Uni – et la France connaîtra le même phénomène si les températures continuent de monter – n’a pas été pensé pour les températures observées. Le goudron a donc commencé à fondre et les chaussées à se dégrader, ce qui a pour effet d’augmenter la friction des pneus et donc la consommation d’essence des véhicules. Il y a donc des problèmes de ce type en matière d’infrastructures. Mais à l’heure du développement de la force électromotrice – celle des voitures et trains électriques – d’autres phénomènes pourraient notamment toucher les câbles électriques enfouis, qui sont refroidis par l’humidité du sol. En cas de vagues de chaleur prolongées, l’humidité s’évaporant, les câbles pourraient ne plus refroidir ni donc transmettre la même force motrice. Lors d’un épisode de canicule, au même moment nos réfrigérateurs demandent davantage d’électricité, de même que les climatiseurs et les pompes à eau, qui nous permettent de nous rafraîchir sous la douche, et peut-être jusqu’à nos voitures électriques, trains ou tramways. C’est donc tout notre parc d’appareils électriques qui pourrait être perturbé par de fortes chaleurs, à moins de trouver d’autres moyens de refroidir les câbles. Mon propos, au fond, est donc de souligner que les infrastructures dont nous sommes équipés, en Europe comme dans de nombreuses autres régions du monde, ont été conçues pour le climat qui prévalait hier. Et non pour le climat de demain. Nos infrastructures vont dysfonctionner selon des modalités variées et, comme dans une « tempête parfaite », chacun de ces dérèglements va se conjuguer aux autres. Le frigidaire de chacun va ralentir au même moment, les voitures et trains électriques vont se détraquer et, sous l’effet de la hausse des températures, tous ces éléments se combinant vont conduire à une probable paralysie systémique. Les mesures à prendre pour s’en prémunir sont très coûteuses. Et, si elle n’est pas évitée, les conséquences peuvent être catastrophiques pour une société moderne soudainement privée de sources d’énergie. Le changement climatique aura donc de nombreux retentissements dans nos vies, dont certains, de façon fort probable, sur le terrain de la mobilité. En outre, il est probable que dans certaines des villes du Nord, dans le Nord de la France, en Allemagne, en Scandinavie et au Royaume-Uni, nous en voyons déjà les signes avant-coureurs, nous assisterons prochainement à un afflux de migrants quittant des parties du monde où il est très difficile, ou très inconfortable, de survivre. Ils viendront peut-être de régions très lointaines, comme c’est le cas actuellement de certains réfugiés, mais même au sein de l’Europe, nous observons déjà des dynamiques migratoires orientées du Sud vers le Nord, car il est plus confortable de vivre dans le Centre ou le Nord de la France, par exemple, que dans le Sud. Ces mouvements migratoires accentueront la pression sur les infrastructures existantes : lignes ferroviaires, transports collectifs, etc. De nombreux problèmes se poseront, certains en lien direct avec la température, d’autres découlant de nos réactions face à ces hausses de température, aux modifications des précipitations, et ainsi de suite. Les signes avant-coureurs montrent que nous solliciterons davantage encore les infrastructures déjà surexploitées qui permettent le fonctionnement de notre société moderne. Si, comme aujourd’hui, nous ne faisons pas davantage pour lutter contre le changement climatique, il s’ensuivra une hausse répétée des températures, compliquant encore les formes prises par nos existences dans les villes, et ainsi de suite. Plus nous attendrons, plus il sera difficile de nous atteler au problème. Car dans l’intervalle nous aurons construit de nouvelles infrastructures émettrices de CO2.

Toujours plus d’investissement dans les infrastructures polluantes

Le Royaume-Uni me servira à nouveau d’exemple. On y parle beaucoup du choix des lieux d’implantation de nouvelles pistes d’aviation, de nouveaux aéroports, mais aussi de nouvelles routes, de nouveaux réseaux ferrés et de nouveaux ports. Puis, d’ici 2020 ou 2030, lorsque ses premiers gros effets se feront sentir dans nos villes, comme c’est déjà le cas dans d’autres régions du monde, nous nous raviserons : « eh bien, nous n’aurions pas dû faire cela, c’était du gâchis, nous devons maintenant tout remettre à plat ». Mais ce jour-là, nous serons déjà prisonniers de certaines habitudes, pris au piège de certains comportements. Nous aurons investi dans les technologies qui nous permettent d’utiliser ces infrastructures. Nos bateaux seront construits, nous aurons acheté davantage de voitures à essence et diesel. Par conséquent, à moins d’agir dès maintenant, nous allons nous retrouver prisonniers d’un avenir difficile, non seulement au regard de notre bilan carbone, mais aussi de notre capacité à faire machine arrière rapidement. Si nous n’agissons pas maintenant, nous serons forcés ultérieurement d’en passer par un ajustement bien plus rapide et plus brutal. Car il est un fait absolument hors de doute : le climat change et va continuer de changer. Quel que soit notre point de vue, politique ou économique, sur les questions climatiques, la physique du climat, elle, nous acculera tôt ou tard au changement.

Réduire les émissions de CO2 en améliorant les véhicules existants

Voyons donc comment il est possible d’agir dès maintenant. On peut faire beaucoup sans attendre, par exemple pour améliorer notre parc automobile, sans en passer dès à présent par une remise à plat de nos équipements techniques. Beaucoup disent que nous devons adopter la voiture électrique. Je pense bien entendu qu’elle ouvre une voie intéressante. N’empêche qu’elle suppose encore qu’une structure métallique de 1 500 kg déplace un corps de 70 à 100 kg, disons sur 6 à 7 km. Il y a plus efficace comme façon de transporter une personne que de déplacer toute cette machinerie. Je crois donc qu’il faut être critique envers une transition mobilitaire qui remplacerait la voiture à carburant fossile par la voiture électrique. Cette transition a beau être bonne pour limiter nos rejets de CO2, elle l’est moins à bien d’autres égards. Il y a donc lieu d’y réfléchir. Mais y compris avec la technologie fossile, de nombreux véhicules commercialisés aujourd’hui en Europe rejettent environ 100 g de CO2 par km voire moins. Il y a environ modèles de voitures fabriquées à travers l’Europe qui rejettent moins de 100 g de CO2 au kilomètre. Pourtant, la voiture type commercialisée aujourd’hui en Europe rejette probablement entre 140 et 150 g de CO2. Les voitures en circulation en France comme au Royaume-Uni rejettent probablement 160 g de CO2 au km, 180 g en Allemagne et en Scandinavie et 210-212g aux États-Unis. Et pourtant nous fabriquons désormais des voitures utilisant exactement les mêmes équipements, consommant les mêmes carburants et qui sont bien plus sobres, sans coûter plus cher. Et elles se déclinent dans tous les formats, à l’exception des SUV sportifs, ces 4x4 ultra-performants. Pour tous les autres modèles, il est possible d’opter pour une alternative plus sobre. Mais le Parlement européen et les gouvernements n’ont adopté aucun texte en la matière, nous laissant la liberté de choix. Nous pourrions probablement, je pense, réduire nos émissions de 50 à 70 % en 10 ou 12 ans si nous encadrions très strictement les émissions de CO2, le tout sans toucher à nos équipements existants, sans adopter de nouvelles technologies et sans rien changer au rythme habituel de renouvellement de notre parc automobile. Nous avons mené à ce sujet des travaux de faisabilité détaillés. C’est très important. Et cela peut être fait très rapidement. Mais tout au bout de ce processus, il faut aussi changer d’équipements. Et nous convertir progressivement aux voitures électriques.

Trouver le juste levier du changement

Il existe donc de nombreux leviers, actionnables pour améliorer l’efficacité énergétique de nos équipements, en particulier dans le domaine automobile. Mais ces leviers doivent être actionnés avec la plus grande prudence : si nous agissons sur les prix – et c’est là un raisonnement très répandu, qui consiste à dire « éliminons les voitures polluantes du marché en augmentant le prix du carburant » – se posent des problèmes d’équité, car les plus pauvres ne peuvent pas s’offrir les voitures les plus récentes. Si nous agissions uniquement sur les prix, les gens comme moi, les classes moyennes, les personnes relativement aisées tireraient leur épingle du jeu, tandis que les plus démunis n’en auraient pas les moyens. Nous devons donc trouver les mécanismes adéquats pour préserver l’équité. Et à ce jour, je ne crois pas que la classe politique soit vraiment allée au fond du problème. Les solutions sont pourtant nombreuses : en définissant des normes d’émissions de CO2, plutôt qu’en agissant sur les prix, on oblige les constructeurs à améliorer leurs équipements. Lesquels se diffuseraient alors rapidement dans le parc automobile existant, par exemple, puis trois ou quatre ans plus tard, se retrouveraient sur le marché de l’occasion, et donc à la portée des ménages plus modestes. Il peut donc être grandement préférable, au nom de la justice sociale, d’agir sur le versant réglementaire plutôt que sur les prix. Je pense donc qu’une grande prudence s’impose dans le choix des mécanismes envisagés, pour que le pilotage de ces transitions ne fasse pas surgir de nouveaux problèmes de société.

Un message d’espoir

Mais l’un dans l’autre, il y a là un véritable message d’espoir : car nous avons tous les dispositifs nécessaires, dans notre parc automobile très certainement, mais aussi dans le secteur du transport en général, à travers nos différents pays, pour parvenir très rapidement à une réduction de nos rejets de CO2. Et je parle d’une réduction de l’ordre de 50 % à 70 % en dix ans environ. Ce peut être en mobilisant les technologies existantes – mais alors, les meilleures du marché – et sans surcoût particulier. Ce pourra être en développant l’usage des véhicules électriques ; on commence à le voir à Paris, avec les Autolib et leurs bornes de rechargement. On peut donc utiliser les technologies existantes de bien des façons. Mais par ailleurs, les technologies de l’information permettent de réduire les déplacements. Nous pourrions également développer la pratique du vélo et de la marche, aménager nos villes pour les cyclistes et les marcheurs. Là encore, on constate combien Copenhague ou Amsterdam sont plus attractives de ce point de vue que Londres, ou dans une certaine mesure Paris, où la circulation automobile continue d’être très dense. De nombreuses villes d’Europe restent organisées autour de la voiture, mais de nombreux autres exemples nous montrent des villes privilégiant les voies piétonnes, les vélos et les transports en commun. Tout bien considéré, il y a donc de très nombreux leviers à actionner pour inscrire la mobilité en phase avec les actions de mobilisation contre le changement climatique, et pour la maîtrise de nos émissions de CO2. Mais cette mobilisation demande des politiques publiques proactives et innovantes et une population préparée à seconder les autorités dans leur mise en œuvre.

Changer nos modes de vie

Il y a aussi un vaste chantier à ouvrir du côté de nos modes de vie. La technologie n’est pas la solution à tous nos problèmes. Nous devons commencer à interroger nos façons de faire, remettre en question ce qui semble aller de soi et réfléchir à ce que nous pourrions changer dans nos modes de vie pour rejeter moins de CO2. Songeons au transport : nous continuons à faire beaucoup de kilomètres pour nous rendre au travail. Y a-t-il des moyens de nous en rapprocher, de vivre au cœur des villes ? Là encore, les différentes villes d’Europe offrent un tableau très contrasté. Prenons Londres : beaucoup de Londoniens habitent à des kilomètres de leur travail. Là où j’habite, je fais probablement 20 à 23 kilomètres de train chaque jour pour me rendre au travail. À la place, je pourrais vivre en centre-ville ; mais dans les villes anglaises, les quartiers résidentiels se sont généralement développés en périphérie, loin des lieux de travail, et l’idée est maintenant ancrée dans les esprits qu’il faut prendre la voiture ou le train pour se rendre au travail. Il va nous falloir repenser l’aménagement de nos villes, pour renforcer l’attrait de parties du territoire où il fera bon vivre, tout en restant proches des lieux de travail. Il faudra aussi repenser nos horaires de travail. De nombreuses villes, en Europe et ailleurs dans le monde, connaissent le phénomène des heures de pointe, vaste chassé-croisé de voyageurs conduisant à l’engorgement des réseaux de transport. À Paris ou à Londres, métros et voies de circulation routière se retrouvent saturés pendant une heure, avant de redevenir fluides jusqu’au soir. Peut-être est-il temps de s’interroger sur les façons d’adapter nos rythmes de travail, dans le sens d'un usage plus raisonné des infrastructures existantes, qui serait vecteur d’efficacité énergétique, de réduction de nos émissions de CO2 et de mieux-être.

Vers une nouvelle façon de travailler

Beaucoup d’éléments doivent entrer en ligne de compte quand on s’efforce de transformer un système et il faut s’y atteler avec le souci du bien-être de chacun. Prenons l’exemple d’un bureau : une partie de ses salariés auront une famille qu’ils auront hâte de retrouver le soir, pour consacrer un peu de temps à leurs enfants avant l’heure du coucher. Il pourra se trouver dans ce même bureau d’autres personnes sans enfants qui dormiraient volontiers plus longtemps le matin, quitte à rentrer chez eux plus tard le soir. Nous pourrions adapter les modes de vie des uns et des autres en conséquence ou encore instituer le télétravail certains jours de la semaine. Peut-être aussi devrons-nous envisager une modification de notre temps de travail. Pour l’heure, en dépit d’importants gains de productivité permis par le progrès technique, le temps de travail n’a généralement qu’assez peu varié au cours des 20 à 30 dernières années dans certaines des villes et pays d’Europe.

Réinventer le changement

Mais toutes ces questions épineuses n’ont pas à être abandonnées à la classe politique. Les responsables et dirigeants d’entreprises, d’institutions et d’organisations doivent s’en saisir. Je travaille dans une université où nos façons de travailler sont tout à fait proches de celles d’un bureau. Ce ne sont pourtant pas les possibilités d’innover qui manquent, en matière de rythmes et de modes de travail. Je pense donc qu’il nous faut être un peu plus inventif dans notre façon de penser ces questions et in fine, les coupler à un objectif de qualité de vie, pour produire du mieux dans l’existence des gens, plutôt que de leur imposer un changement qui rendrait leur quotidien plus difficile. Juillet

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Kevin Anderson

Chercheur en sciences de l'environnement et climatologie

Rattaché à l’Université de Manchester, le Professeur Anderson siège en outre à la Commission sur le changement climatique pour le gouvernement du Pays de Galles. Il est à l’occasion conseiller auprès du gouvernement britannique, après l’avoir été auprès du Parlement européen.



Pour citer cette publication :

Kevin Anderson (16 Novembre 2015), « Mobilité et changement climatique : il est urgent d'agir  », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 24 Novembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org./videos/2964/mobilite-et-changement-climatique-il-est-urgent-dagir


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